Culpabilisation à outrance

Depuis bien des années déjà, l’œil de l'automobiliste est accoutumé aux petites silhouettes noires, installées çà et là au bord des routes, et qui sont censées être plantées en souvenir de personnes tuées lors d'un accident.

On pouvait comprendre qu'il s'agissait là de l’œuvre des familles ou amis du décédé. "In memoriam", en quelque sorte.

Cela se laissait comprendre, et rappelait même avec quelque pertinence que ce drame "n'arrive pas qu'aux autres".

Personnellement, je trouvais là un peu de voyeurisme, un peu de manque de réserve, voire de pudeur, mais rien de bien exagéré, au bout du compte.

Cette pratique a été récemment récupérée par d'autres que des familles d'accidentés, et on commence à voir fleurir de "petites silhouettes noires", qui singent, "virtuellement" dirais-je, la douleur de familles blessées, en anticipant le terrible événement, histoire, sans doute, de nous suggérer son côté présenté (abusivement) comme inéluctable.

Jugez en par cette photo:

Je doute très fort qu'il s'agisse d'une initiative privée, ne serait-ce qu'à en juger par la facture impeccable de l'objet, un travail de professionnel, à l'évidence. 

La phraséologie est machia-vélique, qui entend culpabiliser à l'avance toute mère de famille qui emmène sa gamine en voiture.

Avis à celles qui conduisent leurs enfants à l'école: Vous êtes des infanticides en puissance!

Et il y en a pour tous les goûts:

On vous promet de finir sur une petite voiture, rien moins... Histoire de vous faire admettre l'idée que, du fait d'être derrière un volant, vous êtes un irresponsable, qui, tôt ou tard, tuera quelqu'un ou s'estropiera lui-même.

Pour que le psychodrame soit complet, il faudrait peut-être ajouter le fac similé de la facture correspondant aux frais médicaux assumés par la Sécurité sociale ou les assurances, ou les deux, pour faire bon poids.

Il ne fallait pas oublier le téléphone mobile, la grande plaie du XXIe qui est la bête noire des obsédés de la sécurité tous azimuts.

Curieusement, le mordu du GPS, qui passe plus de temps l’œil rivé sur son écran collé au pare brise, qu'à regarder la route, ne semble pas, lui, entaché du péché originel galopant qui est en train de se vendre aux automobilistes... J'y remédie immédiatement:

Je me suis laissé aller à penser que les marchands de GPS ont su chloroformer les fondus de la sécurité, pour ne pas être montrés du doigt, quand il est évident que leurs écrans distraient autrement le conducteur que l'audition d'une conversation téléphonique.

La sécurité a le dos large, mais pas pour tout le monde, c'est clair.
Et voici la petite dernière de la série...

Moi aussi, je passe par là tous les jours, et j'en ai réchappé, puisque je suis parvenu à prendre la photo, et à vous la propulser sur Internet sans coup férir.


Ma grand mère, qui n'avait pas toujours un langage aussi châtié que souhaitable, aurait sûrement qualifié cette campagne lamentable "d'argumentation de merde".


Il me reste une modeste suggestion: Renommer le permis de conduire "permis de tuer", pour être cohérents.



Comme çà, assassins pour assassins, on goûtera une petite jouissance en se prenant pour James Bond 007...


L'intox débridée a encore de beaux jours devant elle.








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